PontLa justice a fourni mardi aux défenseurs de l'environnement et du patrimoine une victoire retentissante, à défaut d'être finale, dans un dossier emblématique : le projet de contournement routier de Beynac (Dordogne), un des plus beaux villages de France, est annulé, et les travaux réalisés devront être démolis.

Epilogue d'une saga de 30 ans mêlant infrastructures, sécurité routière, environnement et patrimoine, la cour administrative d'appel de Bordeaux a suivi les juges de première instance en annulant un arrêté de 2018 qui autorisait les travaux. Ceux-ci sont stoppés depuis 12 mois.

Et elle a "enjoint" le département de la Dordogne, porteur du projet, "d'engager le processus de démolition" des éléments déjà construits (notamment deux piles de pont dans le lit de la Dordogne) dans un délai d'un mois et de "procéder à l'ensemble des opérations de démolition" et à la "remise en état des lieux dans un délai global de 12 mois".

Fallait-il ou pas construire une rocade de contournement de 3,2 km, un projet de 32 millions d'euros, autour de Beynac-et-Cazenac, village de 550 âmes au pied d'une forteresse classée du XIIe siècle, sur un axe routier départemental Bergerac-Sarlat fréquenté, avec des pics à 10.000 véhicules par jour en haute saison touristique ?

Opposants et partisans du projet se renvoient les arguments.

D'un côté sécurité, fluidité du trafic, baisse des nuisances sonores, de la pollution. De l'autre, atteinte dans un site classé Natura 2000 et "réserve de biosphère", à l'habitat de plus de 120 espèces - chiroptères, mammifères semi-aquatiques, reptiles ou amphibiens -, dont quelques protégées.

Sans compter l'impact visuel à une vallée parsemée de châteaux, qui a valu aux opposants le soutien remarqué de Stéphane Bern. "Hors sujet", balaient les pro-contournement, relevant que les juridictions ont évoqué sécurité et environnement, pas paysage ou patrimoine.

- Intérêt public "majeur" ou pas ?-

Mais la Cour a estimé que le projet ne répond pas à une "raison impérative d'intérêt public majeur" - les cinq mots-clefs du dossier - qui seule permettrait de déroger à l'interdiction de porter atteinte aux espèces et à leur habitat, aux termes du Code de l'environnement.

Les juges ont retenu "en particulier la réalité des atteintes portées par le projet à un grand nombre d'espèces animales protégées et à leurs habitats", ainsi que "l'amélioration des conditions de circulation apportées en 2017 par les travaux de voirie" à Beynac, "rendant le contournement moins utile".

L'avocat du département, Me Xavier Heymans, a assuré à l'AFP qu'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat serait formé "dans les semaines qui viennent", ainsi qu'un sursis à exécution pour la démolition.

Les opposants ont salué "après 30 ans de combat, une victoire (...) Mais que de temps perdu, que de procédures pour faire primer le droit et le bon sens !", a réagi Philippe d'Eaubonne, président de l'Association de Sauvegarde de la Vallée de la Dordogne.

Il s'est indigné que le département n'ait pas attendu la justice avant d'engager les travaux "ce qui aurait évité au contribuable de financer les constructions illégales du département, puis leur destruction !". A l'audience fin novembre, l'avocate des opposants, Corinne Lepage, avait fustigé cette "course du bulldozer contre le juge : foncer et construire le plus de choses possibles afin de les rendre irrémédiables".

Interrogé par l'AFP, le président PS du département, Germinal Peiro, a déploré une situation "totalement ubuesque", qui verrait la démolition ajouter 15 millions de surcoût à un projet achevé à 60%, et porter une nouvelle atteinte à l'environnement. Le premier coup de pioche semble en effet encore loin, la Cour n'ayant pas assorti l'injonction de démolir d'astreinte financière.

La décision de mardi "n'est qu'une étape", souligne M. Peiro, préfigurant de nouvelles saisons à la saga Beynac.

Bordeaux, 10 déc 2019 (AFP) - © 2019 AFP

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