Trop de freins à construire, moins d'aides à la propriété... Les explications varient selon les territoires et le type d'habitat, mais le constat est global: le logement neuf s'est replié en 2018 en France sans la relance d'offre promise par le gouvernement.
"Les chiffres sont en baisse par rapport à l'année dernière, qui était exceptionnelle", a résumé lundi auprès de l'AFP le ministre du Logement Julien Denormandie, à l'occasion de la publication des données de la construction de logements pour 2018.
La baisse se fait sentir dans les mises en chantier, soit les logements effectivement commencés, comme dans les permis de construire, qui donnent une idée plus avancée des tendances à venir.
Les premières reculent de 7% sur l'année dernière, repassant sous le seuil des 400.000 unités après l'avoir franchement dépassé en 2017, et les seconds de 7,1%. C'est un net coup d'arrêt même si, dans les deux cas, le niveau reste supérieur aux planchers touchés en 2015.
"L'activité reste soutenue: elle reste au-dessus de la moyenne des cinq dernières années", a nuancé M. Denormandie.
Faut-il voir dans ce ralentissement la conséquence de blocages de l'offre? Le gouvernement avait un temps promis un "choc" de construction à l'aide notamment de sa loi logement, mais nuance depuis plusieurs mois sa parole en mettant autant l'accent sur la rénovation de l'habitat existant.
Ou s'agit-il d'un affaissement de la demande des particuliers, alors même que le marché de l'immobilier ancien reste, lui, en pleine forme?
"Il y a les deux", a répondu à l'AFP Olivier Eluère, économiste spécialiste de l'immobilier au Crédit Agricole, nuançant lui aussi le déclin du logement neuf face à des chiffres toujours "très élevés".
"C'est d'abord un effet demande car il y a un cumul de mesures fiscales moins favorables et d'une remontée du prix des logements", a-t-il détaillé.
Depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, le gouvernement réduit plusieurs aides à la propriété dans le neuf. Il en a supprimé certaines, comme l'APL accession, et recentré d'autres, comme le prêt à taux zéro (PTZ) qui doit être réservé aux zones les plus tendues en matière de logement.
Le secteur des maisons, qui se situent largement dans les zones moins tendues, subit logiquement le déclin le plus fort de la construction. En excluant celles qui appartiennent à un programme immobilier plus large, les permis de construire chutent de presque 10%.
- Les promoteurs résistent -
"La baisse des aides n'a pas été dans le sens de la vente des maisons", a admis auprès de l'AFP Grégory Monod, président élu des Constructeurs et Aménageurs (LCA), principale fédération des constructeurs de maisons individuelles.
"La demande est là, mais on a +désolvabilisé+ une partie de la clientèle en réduisant les aides", assure-t-il, craignant une nouvelle baisse sensible de la construction en 2019 si l'exécutif n'amende pas la réduction du PTZ.
Par contraste, la baisse est moins marquée pour les immeubles, dont la construction est le fait des promoteurs immobiliers: les permis de construire n'y reculent que de 7%.
"Le marché des promoteurs a plutôt bien résisté", a souligné M. Eluère, relevant que ce sont surtout les ventes d'immeubles en bloc au monde HLM qui baissent, au moment où le gouvernement demande d'importantes économies au secteur, plus que celles aux particuliers.
Plus qu'une question de demande, "on a quand même un problème d'offre en zones tendues où l'on voit que les mises en vente (l'offre proposée par les promoteurs) baissent clairement: il y a une difficulté à [lancer] de nouveaux projets du fait de la rareté du foncier", a-t-il poursuivi.
Ce diagnostic fait écho au discours des promoteurs, qui sont principalement actifs en zones tendues: jugeant que la demande reste forte, ils estiment que c'est l'offre qui est contrainte.
"Ce manque d'offre aura inévitablement un effet sur les prix, et éloignera encore un peu plus les ménages du logement abordable", a prévenu dans un communiqué à l'AFP Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui s'attend à une nouvelle baisse de la construction cette année.
"Il faut redonner des permis pour redonner du pouvoir d'achat", insiste-t-elle, au moment où le secteur craint la timidité des élus locaux à l'approche des élections municipales de 2020.
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Paris, 28 jan 2019 (AFP) - © 2019 AFP