Epilogue d'une saga de plus de 30 ans mêlant infrastructures, sécurité routière, patrimoine et environnement, la justice administrative tranche mardi à Bordeaux sur le projet controversé du contournement routier de Beynac, commune de Dordogne considérée comme l'un des plus beaux villages de France.
Faut-il, ou pas, construire une rocade de contournement de 3,2 km, un projet de 32 millions d'euros, autour de Beynac-et-Cazenac, village de 550 âmes au pied d'une forteresse classée du XIIe siècle, et sur un axe routier départemental Bergerac-Sarlat fréquenté, avec des pointes à 10.000 véhicules par jour en haute saison touristique ?
Depuis des années d'étude d'impact, d'enquête publique et de procédure, partisans et opposants du contournement se renvoient les arguments.
D'un côté sécurité, fluidité du trafic, nuisance sonore, pollution. Et de l'autre la destruction, dans un site classé Natura 2000 et "réserve de biosphère" d'habitats de plus de 120 espèces dont des protégées, chiroptères, mammifères semi-aquatiques, reptiles ou amphibiens. Sans compter l'impact visuel à un site hors pair, une vallée parsemée de châteaux.
A l'audience fin novembre à la Cour administrative d'appel de Bordeaux, la rapporteure publique, dont les conclusions sont le plus souvent suivies, avait estimé qu'il y avait lieu de confirmer la position des juges du tribunal administratif, qui en avril, avait annulé un arrêté préfectoral de 2018 autorisant le contournement.
Le projet "ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public présentant un caractère majeur" qui permettrait une dérogation à l'atteinte à l'environnement, avaient alors considéré les juges.
- "Il y aura des morts" -
Suivant le tribunal, la rapporteure publique a aussi recommandé en novembre une remise en l'état du site, en l'espèce sous 18 mois. C'est-à-dire la démolition d'éléments déjà construits du chantier entamé en 2018, (notamment deux piles de pont dans le lit de la Dordogne), à l'arrêt depuis 12 mois.
Que veut vraiment la vallée ? Là encore, partisans et opposants se renvoient les chiffres à la face.
Les défenseurs du patrimoine et de l'environnement --dont l'animateur Stéphane Bern a épousé la cause-- invoquent l'enquête publique de 2017 attestant "85% de participants s'exprimant contre le projet". Le département conduit par le PS Germinal Peiro revendique le soutien d'une majorité d'élus locaux, (418 maires sur 500), de meetings de soutien suivis par des milliers de personnes.
"Un jour il y aura des morts à Beynac, et nous serons tous responsables", a lancé, en référence à la sécurité routière, Germinal Peiro fin novembre à l'audience sur le fond, une audience tendue dans une salle comble, physiquement scindée en deux camps, qui a reflété les antagonismes ancrés depuis des années.
Le département a déjà indiqué qu'il se battrait jusqu'au bout pour le projet, et éviter une explosion des coûts, avec les plus de 12,7 millions envisagés pour la démolition, selon le constructeur Bouygues. Une détermination similaire du côté des opposants préfigure, quelle que soit la décision mardi, un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
Bordeaux, 10 déc 2019 (AFP) - © 2019 AFP